Lorsqu’ils achètent des produits laitiers, les consommateurs ont de plus en plus souvent le réflexe de poser des questions. Ils s’interrogent sur les méthodes de production, les bienfaits pour la santé ou encore le respect de l’environnement.Plus exigeants, ils attendent davantage de garanties de la part des Appellations d’Origine Protégée (AOP).
Les fromages, beurres et crèmes AOP prennent des engagements pour répondre aux attentes des consommateurs. Le CNAOL, le Comité National des Appellations d’Origine Laitières, conduit une réflexion pour prendre et concrétiser des engagements globaux autour des AOP.
Pourquoi parler d’engagement d’avenir pour les AOP ?
Parler d’engagement d’avenir pour les appellations permet de les ancrer dans une tradition. Les appellations, par le passé, ont permis de valoriser des territoires difficiles, de moyenne montagne par exemple, et de permettre aux agriculteurs de s’installer sur ces territoires.
Les AOP sont l’héritage de ce que nos prédécesseurs ont construit. C’est pourquoi elles s’engagent pour transmettre cet héritage, perpétuer la transmission, et apporter leur propre contribution au savoir-faire des territoires français.
Les AOP laitières durables s’engagent à répondre aux attentes des consommateurs, en termes de qualité et de goût avant tout. Mais la promesse des AOP va au-delà : elle permet de maintenir un territoire vivant, de créer des actes d’achat qui contribuent à développer les offres d’emploi et à aider les producteurs à vivre de leur métier.
Elles s’engagent ainsi à contribuer à maintenir les territoires ouverts : à les aménager, à préserver nos ressources, notre biodiversité et nos ressources en eau. L’enjeu est de continuer à créer une économie qui profite de la complémentarité entre l’agriculture, les AOP et le tourisme local.
Cependant, la réalité des territoires est complexe. Chaque appellation a une histoire, une culture et des animaux différents. Comment prendre les engagements globaux et comment les adapter à chaque AOP ?
Quelles sont les attentes des consommateurs ?
Comment identifier les critères d’achat des consommateurs ?
Une enquête récemment conduite par le CNIEL et le CREDOC a permis d’identifier les critères d’achat des consommateurs. Sans surprise, le critère principal est le goût ! C’est la qualité organoleptique des produits qui oriente l’achat des consommateurs.
Pour aller plus loin, et afin de travailler en profondeur sur les réponses que peuvent apporter les AOP aux attentes sociétales, une enquête a été conduite auprès des adhérents de la Fédération des Fromagers de France juste avant le salon.
Ces crémiers-fromagers interrogés sont originaires de partout en France et exercent en boutique. On leur a demandé de rapporter les questions récurrentes posées par leurs clients, ainsi que la perception qu’ont ceux-ci du label AOP.
Les clients des crémeries-fromageries s’interrogent surtout sur :
- Le traitement thermique du lait : le lait cru, pasteurisé ou thermisé
- L’origine du produit
- La fabrication : fromage laitier ou fermier
- Les bénéfices du lait cru
Les crémiers-fromagers constatent également l’émergence de certaines questions, posées moins fréquemment, sur :
- Le bien-être animal
- L’impact environnemental du produit
- Le cahier des charges des AOP et des IGP
- La rémunération des producteurs
D’après les crémiers-fromagers interrogés, ces questions seront de plus en plus fréquentes dans les années à venir : les consommateurs seront plus attentifs à ces sujets.
Quelles garanties sont apportées par les AOP ?
Les AOP laitières durables ont un rôle d’accompagnement incontournable. Ce sont elles qui donnent les éléments nécessaires aux crémiers-fromagers pour répondre aux questions des consommateurs - et ainsi les aiguiller dans leurs choix de produits laitiers.
D’après les crémiers-fromagers interrogés, les AOP leur fournissent toutes les informations dont ils ont besoin pour répondre aux questions posées fréquemment. En revanche, ils estiment manquer d’éléments pour répondre correctement aux questions émergentes.
Toujours selon les professionnels interrogés, les points garantis par le label AOP sont les suivants :
- L’origine du produit
- La préservation des savoir-faires traditionnels
- La typicité du produit
- La pérennisation des modes d’élevage traditionnels
- La vitalité du territoire
Points non garantis par le label AOP seraient :
- L’entretien des paysages
- La diversité des acteurs économiques
- La répartition de la valeur entre les acteurs
- Le bien-être animal
Les réponses des crémiers-fromagers ont permis d’identifier précisément les attentes des consommateurs. Celles-ci s’articulent autour de trois piliers, auxquels il est fondamental de répondre pour s’engager pour l’avenir des consommateurs : l’économie, l’environnement et le social.
Les trois piliers du développement durable
Le focus économie
D’après les différentes enquêtes menées, les attentes citoyennes sur le pilier économique sont les suivantes :
- Comment assurer le partage de la valeur ajoutée entre tous les acteurs de la chaîne (les producteurs de lait, les transformateurs de fromage, les affineurs) ?
- Comment permettre le maintien de la diversité des acteurs ?
Dans les AOP, quelques exemples concrets répondent à ces deux attentes :
- Les règles de régulation de l’offre (RRO) limitent les perturbations sur le marché et adaptent l’offre à la demande. Elles permettent également de préserver la qualité organoleptique d’un produit.
- Les cahiers des charges de certaines AOP limitent la taille des ateliers, celle des cuves et du périmètre de la collecte. Ceci permet à la fois de préserver la diversité d’acteurs et de mieux valoriser les opérateurs d’une même filière.
Le focus environnement
Les attentes des consommateurs sur l’impact environnemental des produits laitiers concernent principalement le bien-être animal, la biodiversité, et la préservation des ressources locales.
Les AOP laitières durables ont une démarche de progrès, centrée autour de deux thématiques :
- Les modes d’élevage et de production traditionnelle
- Les modes de production qui valorisent les ressources locales, les ressources naturelles et surtout les ressources adaptées au territoire.
Concrètement, leurs engagements sont les suivants :
- 85% des AOP ont des obligations de pâturage dans le cahier des charges. Les animaux sont à l’extérieur et pâturent naturellement, ce qui participe à leur bien-être.
- Pour prendre soin de la biodiversité, les AOP répondent à l'obligation d’avoir des haies, des parcours, ainsi que des surfaces en prairies permanentes. Maintenir des races locales à petits effectifs, attachées à un territoire, participe également à la biodiversité.
- Pour préserver les ressources locales, les AOP demandent aux fabricants d’aliments pour leurs animaux de favoriser les ressources de la région ou du territoire, et sans OGM.
Le focus social
Du point de vue social, les attentes des consommateurs portent sur quatre critères :
- Le fonctionnement du collectif
- Son processus démocratique
- La garantie du goût
- La préservation des savoir-faire pratiques traditionnels
Dans les AOP, les engagements sur ces sujets sont les suivants :
- Dans les statuts, une AOP a forcément un organisme de défense et de gestion. Cette association représente tous les opérateurs de la filière (depuis les producteurs de lait aux transformateurs et affineurs, voire jusqu’au conditionnement pour certaines appellations).
- Son fonctionnement démocratique, parce que tous les opérateurs sont représentés. Il y a un conseil d'administration ainsi qu’une assemblée générale.
- Pour garantir que le goût des produits est conforme aux attentes, une évaluation des produits par les CEO (commission d’examen organoleptiques) est organisée régulièrement. Il s’agit d’une séance de dégustation effectuée par des opérateurs de la filière, mais aussi par des opérateurs externes à la filière et porteurs de mémoire.
- La préservation des savoir-faire traditionnels est garantie par les cahiers des charges. Environ 80% des AOP sont fabriquées au lait cru et certaines d’entre elles préservent également les outils traditionnels : l’utilisation de planches en épicéa, de matériaux locaux, etc.
Le cadre commun d’engagement : le plan AOP laitières durables
Les AOP répondent de manière concrète aux attentes et aux interrogations des consommateurs. Cette démarche de progrès peut être toujours approfondie, puisque les attentes des consommateurs se développent.
Pour aller plus loin et rendre leurs engagements plus lisibles, les AOP laitières durables développent un plan en commun.
Pour chacun des 3 piliers du développement durable (économie, environnement et social), 6 thématiques spécifiques sont déclinées. Chacune a ses propres objectifs, ce qui fait 18 objectifs communs pour les AOP laitières durables.
Chaque AOP doit répondre aux 18 objectifs. Cependant, afin de préserver les spécificités de chacune d’entre elles, elles peuvent choisir parmi 65 engagements. Le but n’est pas de lisser la diversité et la richesse des AOP, mais de les préserver tout en apportant des réponses communes à ces 18 objectifs.
En mars 2022, 46 AOP sont engagées et 28 collectifs ont commencé à travailler concrètement sur leur démarche. Ils sont accompagnés dans leurs progrès par le CNAOL.
13 AOP ont identifié les engagements auxquels elles entendent répondre. En moyenne, elles ont pris 32 engagements chacune : bien au-delà des 18 requis ! L’une d’entre elles a même coché 62 engagements parmi les 65 proposés.
La création du plan commun répond à un calendrier défini. Au mois de juin 2022, toutes les AOP doivent avoir identifié leurs réponses aux 18 objectifs. Entre 2022 à 2025 les bons projets pour répondre à ces objectifs doivent être mis en place.
Puis entre 2025 et 2030, les cahiers des charges seront rouverts pour que tous ces éléments de durabilité puissent être inscrits. C’est ce qui représente la garantie pour les consommateurs et l’engagement ultime dans les AOP.
Travailler à la reconnaissance du label
Pour que les AOP laitières durables représentent une véritable garantie pour les consommateurs, elles doivent gagner en notoriété.
Le label fait l’objet d’un travail de communication auprès des professionnels du secteur et de la grande distribution.
Les AOP laitières durables travaillent sur les garanties qu’elles apportent au consommateur, en même temps qu’elles améliorent leur notoriété pour transmettre leurs valeurs telles qu’elles sont : à la fois traditionnelles et durables.
La communication et l’amélioration de la reconnaissance du label appartiennent à tous les professionnels du secteur, pour faire découvrir la réalité de la production et transmettre nos engagements à tous nos consommateurs.